Rendez-vous Café avec le photographe Benoît Thiault !

Rendez-vous Café avec le photographe Benoît Thiault !

 24 juillet 2018
 7 minutes environ

RDV Café avec le photographe Benoît Thiault

Bonjour Benoît,

Merci d’avoir accepté l’invitation. Je suis tombée sur tes photos de la Côte d’Azur sur ton compte Instagram et j’ai adoré les prises de vue et l’ambiance… du coup je voulais en savoir davantage sur ton travail. Comment es-tu arrivé à la photo et pourquoi as-tu pris la Côte d’Azur comme thème ?

La Côte d’Azur, c’est un défi pour moi et c’est en ça que je l’aime. Je suis photographe paysagiste en milieu vierge d’aménagement humain ou presque. Cet aspect des choses joue beaucoup dans mes compositions. J’évite l’urbanisme et pour le coup je m’appuie sur un réseau local d’amis, de connaissances, pour trouver les lieux à photographier. Finalement, la photographie et les aspects techniques qui l’entourent ne représentent que 10% de la réalisation finale d’une image. Quand je suis sur la Côte d’Azur, je dois exercer mon œil comme nulle part ailleurs pour photographier comme j’aime. C’est un exercice qui prend énormément de temps de préparation mais génère une grande créativité. Par exemple, si je veux photographier une cascade, je vais devoir, entre autres, étudier le niveau de pluviométrie pour savoir si elle sera gonflée ou pas. Pour choisir le spot, je vais aussi tenir compte aussi de la météo le jour J et les jours d’avant pour concevoir ma colorimétrie.

Qu’est-ce que tu trouves à photographier dans cette région que tu ne trouves nulle part ailleurs ?

Sur 500 mètres, tu peux avoir des variations déconcertantes. La partie de la Côte d’Azur que je préfère et dans laquelle je travaille le plus, c’est la Provence pour sa lumière atypique et les changements de paysages qui s’opèrent sur une faible distance. Du coup c’est un sujet inépuisable à photographier. J’aime aussi photographier sa végétation mais celle que l’on ne voit pas tous les jours : la lavande est un sujet qui par exemple ne m’intéresse pas vraiment, c’est vu et revu de trop nombreuses fois.

Quels sont les sujets de photos que tu abordes le plus ?

Ce sont les paysages qui m’inspirent le plus mais j’ai deux casquettes : le paysagiste et le reporter pour la commune dans laquelle je travaille. Les rôles sont très différents l’un de l’autre et je prends aussi beaucoup de plaisir à photographier les émotions humaines, les positions et attitudes des gens. Je les prends sur le vif : je n’aime pas du coup prendre des photos posées. J’aime les attitudes spontanées.

Si tu devais choisir tes 4 photos préférées prises de la région, ce seraient lesquelles ?

Je dirai d’abord « Entre ombres et lumière », puis « Serendipity ». Les deux ensembles. Puis je choisirai bien « Songe d’une nuit d’été » pour mes heures antiboises et enfin, the last but not the least, « Le rocher des pendus », une de mes dernières photos.

Tu pourrais nous dire pour chacune d’elles pourquoi tu les adores ?

Adorer, ce n’est pas le terme : c’est plutôt qu’elles représentent à chaque fois des émotions différentes.

Pour la prise de vue sur le sentier des douaniers à Antibes, c’est une pose longue d’une seconde et demi. L’endroit est escarpé et difficile d’accès mais la lumière est tellement particulière. Le fichier brut m’a beaucoup plu. Il y a une ambiance fantastique et cette impression m’a beaucoup inspiré pour lui donner ce rendu particulier. C’est aussi une des premières photos dans laquelle l’eau mise en scène possède un rôle si précis. J’ai essayé alors de traduire ce que le lieu m’inspirait, un lieu magique, proche d’une atmosphère onirique rappelant Tolkien, une littérature qui me plait et dont je voulais retranscrire l’ambiance.

A Saint-Laurent, c’est sur l’Esplanade des Goélands que le cliché a été pris. En plein hiver après une journée chargée, j’avais envie de décompresser. La photo est un contre-pied parfait de ces journées qui se répètent inlassablement et où on repousse sans cesse les limites de nos êtres. Je voulais apporter une réponse au stress quotidien, un moyen de souffler suite à une folle journée. Ce coucher de soleil représente bien la fugacité de la pose longue. A quelques secondes près, les conditions de lumière peuvent changer radicalement un cliché. C’est une sensation assez entraînante, presque grisante. On anticipe le passage d’un nuage, on ouvre plus ou moins pour gagner en netteté, bref, ça rend euphorique. J’aimerais que les gens prennent du temps, arrêtent de scroller, se posent sur une photo et se demandent quelles émotions elles provoquent en eux. A force, je veux proposer des rendez-vous photo réguliers pour amener le spectateur à être un peu perturbé par son propre ressenti. Ça peut révéler des émotions cachées ; ça peut être de l’énervement aussi. Dans tous les cas je ne veux pas laisser la personne indifférente.

Songe d’une nuit d’été m’évoque des souvenirs tenaces. Je faisais mes premières armes en matière de prise de vue nocturne. Je faisais alors régulièrement le trajet à Antibes pour d’autres raisons. Cet ensemble architectural était silencieux. Il était déjà très tard et tous les commerces étaient fermés. En prenant le temps et la patience de cadrer comme il fallait, j’ai pu obtenir ce cliché. Ce n’est pas le meilleur mais c’est l’un des plus formateurs. Ce soir-là j’ai senti que je prenais de l’expérience.

Le Rocher des pendus à Mandelieu est entouré de légendes. Beaucoup de choses sont racontées et on entre alors dans l’histoire de la ville. J’ai souhaité, sur ce cliché, associer l’image que renvoie le conte à l’ambiance des lieux. Ça reste un paysage marin et donc un défi. La mer m’a toujours posé problème pour la traiter correctement dans mes compositions. Ici la composition s’est faite autour des rochers, et malgré l’obscurité avancée, et l’impossibilité d’enchaîner les temps de pose, je trouve l’ensemble au final homogène. Je ne veux pas faire du beau pour faire du beau… ça ne m’intéresse pas.

Pour parler de la Côte d’Azur plus généralement, si tu devais nous donner :

– Le nom de ton plat préféré typique de la région ?

Euh, je dirai la socca. C’est personnel : c’est ma chérie qui me l’a fait découvrir. Et puis la fécule de pois chiches m’aide à gérer mon énergie quand on fait 3 à 4h de marche pour trouver la photo.

– Le lieu que tu conseillerais à tout le monde d’aller visiter ?

Celui pour lequel chaque pas est une découverte.

– Le paysage que tu ne te lasseras jamais de regarder ici :

Le Cap d’Antibes… ma compagne est antiboise et c’est pour moi un générateur de rêves. Ce n’est pas le meilleur spot esthétiquement mais c’est celui qui m’inspire toute la quintessence de la rencontre qui a bouleversé ma vie. C’est le cliché le plus personnel associé à mon souvenir le plus cher…

Et enfin, un mot pour désigner la Côte d’Azur :

Photogénique ! Pas au sens courant où on l’entend, à savoir « esthétique ». C’est pour moi l’accord entre le cadrage, le milieu dans lequel est prise la photo et le sujet qu’on aborde. C’est la façon dont on fait passer l’émotion, le ressenti. Sur la côte d’Azur on peut photographier 1000 sujets dans 1000 cadrages. On n’a jamais la même lumière, les sujets varient tout le temps. La côte d’Azur est tellement variée, elle permet une créativité folle !

Tu veux ajouter quelque chose pour nos lecteurs ?

Sortez de chez vous !

 

Merci pour cette interview.

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